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Le prieuré de Trizay fait l'objet depuis quelques années d'un important programme de restauration et de mise en valeur, qui a déjà permis de sauver les ruines de l'ancienne église.
Plusieurs historiens d'art ont relevé l'aspect et les dimensions exceptionnelles de l'église priorale, sans pouvoir pousser bien loin l'analyse d'une structure dont le plan général demeurait incompréhensible. Les historiens se sont également heurtés au silence des textes.
L'archéologie constituait donc un ultime recours pour mieux connaître ce monument, et une campagne de sondages, intégrée au budget de restauration 1994, a été demandée au Service Régional de l'Archéologie par M. Ph. OUDIN, maître d'œuvre des travaux.
Le programme de cette campagne était le suivant:
Les ruines du prieuré de Trizay se dressent à une dizaine de kilomètres environ au sud-est de Rochefort, entre bois et marais.
Cernés à l'Est par quelques zones boisées et à l'Ouest par une vaste étendue de marais, Trizay et ses environs constituent le point de rencontre de la Saintonge et de l'Aunis.
Les zones marécageuses sont sillonnées par un réseau de canaux, dont le plus important est celui de Pont-l'Abbé-d'Arnoult. L'étude des cartes IGN et une reconnaissance de terrain en barque nous ont permis de constater que le prieuré de Trizay était accessible à l'Ouest par le canal de Pont-l'Abbé puis par des canaux secondaires, aujourd'hui trop embroussaillés pour être navigables sur la totalité de leur parcours.
Enfin, à l'Est du prieuré, et plus généralement tout autour de Trizay, quelques étendues boisées sont les derniers vestiges de la partie septentrionale du Bois saintongeais.
Le Problème des origines
Les historiens ont beaucoup glosé sur l'origine du prieuré bénédictin de Trizay. La Gallia Christiana attribue à Trizay une charte de Robert de Pons et son épouse établie en 1084 et donnant l'église Sainte-Marie et Saint-Macoux de Trizaco à l'abbaye auvergnate de la Chaise-Dieu. L'abbé Briand a dès 1843 relevé l'incohérence de cette attribution, ce document désignant sans nul doute l'église de Thézac (Charente-Maritime). Une légende locale rapportée par Dangibeaud fournit une version plus romanesque de la création du prieuré de Trizay, qui constituerait l'acte d'expiation d'un seigneur de Tonnay-Charente au passé lourdement chargé 2 Jacques Duguet, suivi par la plupart des historiens locaux, a donné foi à cette légende, mais l'appartenance de Trizay à la châtellenie de Tonnay-Charente 3 ne nous semble pas constituer un indice suffisant pour en assurer la véracité. Il est pourtant exact que les seigneurs de Tonnay, puis leurs héritiers de la famille de Rochechouart interviennent fréquemment à partir du XIIIe dans les affaires du prieuré. Ces lignages aristocratiques sont également liés aux campagnes de travaux réalisées à la fin du Moyen Age.
Il faut donc attendre une bulle de confirmation des biens de l'abbaye de la Chaise-Dieu en 1177 pour que le prieuré de Trizay soit mentionné dans une source digne de foi. Aucun document ne vient éclairer la période comprise entre les témoins architecturaux de la fin du XIe s. présents sur le site et cette bulle papale.
Quel fut le maître d'ouvrage de ce premier état de l'édifice ? S'agit-il déjà des seigneurs de Tonnay-Charente ? Cette hypothèse demeure plausible, même si l'action de cette puissante famille en faveur de Trizay n'est pas documentée avant 1225. La situation géographique du prieuré, son ampleur et son architecture permettent d’aventurer une autre conjecture Le duc d'Aquitaine Guy Geoffroy s'assura en 1062 une maimmise directe sur une portion de la Saintonge jusqu'alors tenue par les comtes d'Anjou. Ce personnage favorisa à la fois l'implantation locale de l'abbaye auvergnate de la Chaise-Dieu (prieuré de Sainte-Gemme, vers 1075) et la mise en valeur des marais de la région de Rochefort (fondation du prieuré féminin de Montierneuf à Saint-Agnant en 1064). Ses deux choix politiques se retrouvent à Trizay, bâti au cœur du marais de SaInt-Agnant et propriété de la Chaise-Dieu avant la fin du XIIe siècle. Les élévations conservées de l'église priorale, attribuables à la fin du XIe s., permettent de penser que le remarquable sanctuaire de Trizay est l'œuvre du brillant architecte qui travailla à la même époque à Saint-Eutrope de Saintes et à Saint-Jean de Montierneuf de Poitiers, deux grands chantiers ducaux.
L'intervention possible (directe ou indirecte, par l'entremise d'un vassal, dans le cadre d'un vaste projet de mise en valeur) du duc Guy Geoffroy (1058-1086) ou de son successeur Guillaume VII dans la fondation de l'église de Trizay nous apparaît donc comme une hypothèse séduisante, aussi bien par rapport à la structure de l'édifice qu'avec ce que nous savons de la géopolitique régionale des XIe-XIIe s.
Le choix d'un plan centré de vastes proportions pour l'église de Trizay suscite également des interrogations, quand on sait la rareté des édifices monastiques romans utilisant ce dispositif. Parmi les édifices de plan centré recensés dans le Centre-Ouest de la France, seule la rotonde de Charroux appartient en effet à un ensemble tenu par des réguliers. Mais on notera qu'elle s'intègre à un sanctuaire de plan plus classique et qu'elle est l'œuvre d'une puissante abbaye, difficilement comparable au médiocre prieuré de Trizay.
Il reste à espérer que des documents d'archives encore inconnus viendront dans un proche avenir lever une partie du mystère qui entoure encore la fondation de ce prieuré.
Trizay, prieuré de la Chaise-Dieu du XlIe au XVe s.
L'abbaye bénédictine de la Chaise-Dieu, fondée en 1043 par un chanoine de Brioude, Robert de Turlande, se constitua à partir du milieu du XIe s. un vaste patrimoine en Aquitaine, qui comprenait 45 dépendances à la fin du Moyen Age 6 Sainte-Gemme (21 moines à la fondation) et Trizay (13 moines à la fondation) formaient ses plus importantes possessions saintongeaises. Trizay figure pour la première fois dans une bulle pontificale de 1177. La précédente bulle de confirmation datant de 1162, c'est entre ces deux dates qu'il faut placer l'entrée du prieuré de Trizay dans la mouvance de l'abbaye auvergnate 7. Rien ne permet d'attribuer la fondation de cette dépendance casadéenne aux moines de Sainte-Gemme, Cornasse l'ont fait plusieurs historiens.
La construction des bâtiments du cloître pourrait correspondre à cette mutation. Elle marque une évolution dans l'échelle du projet, en particulier lorsque l'on compare la monumentale église à la petite salle capitulaire qui lui est associée. Le titre du prieuré - Saint-Jean l'Evangéliste - est attesté par deux rouleaux des morts des XIIe et XIIIe s. 8. Au XIVe s., le prieuré de Trizay conserve une certaine importance au sein des possessions casadéennes. Le prieur de Trizay ou celui de Sainte-Gemme figurent parmi les six prieurs nommés au conseil de l'abbaye créé en 1303 9.
Le patrimoine du prieuré n'est partiellement connu qu'à partir du début du XIIIe s. Vers 1225, Hugues de Tonnay fait don d'une vaste superficie de prairie et d'un droit de bois de chauffage dans sa forêt de Chafer et remet le droit de présentation et de nomination du prieur à l'abbé de la Chaise-Dieu. Cette dernière libéralité pose problème: vient-elle effacer une usurpation temporaire (le prieuré de Trizay est en effet compté au nombre des possessions de la Chaise-Dieu quatre décennies auparavant) ? Signifie-t-elle plutôt que les seigneurs de Tonnay avaient conservé par devers eux le droit de présentation du prieur, l'abbaye-mère assurant seulement la nomination ? Le doyen du chapitre de Saintes confirmera en 1246 l'ensemble des donations d'Hugues de Tonnay Il. Pourtant, des contestations se font jour et Guy de Rochechouart, héritier de la châtellenie, devra en 1300 renouveler tous les droits du prieuré 12. Ces rapports entre les seigneurs de Tonnay et le prieuré ne se tariront pas jusqu'à la fin du Moyen Age. La présence des armoiries des Rochechouart dans la décoration du réfectoire (fin XVe-début XVIe s.) vient le rappeler 13 Dom Fonteneau signale encore la cession, approuvée en 1257 par l'évêque Pierre II, de l'église de Charente 14 Plusieurs textes tardifs fournissent un inventaire plus complet du patrimoine du prieuré de Trizay: un dénombrement des revenus établi en 146015, un censier de l'année 1501 16 et une déclaration du temporel de 1692. Nous ne reprendrons pas ici ces sources étudiées en détail par les historiens régionaux.
Plusieurs campagnes de travaux suivent la construction du cloître: voûtement gothique archaïque de la salle capitulaire, reprise de la voûte et des ouvertures du réfectoire à la fin du XVe s. ou au début du XVIe s. Les transformations postérieures ne marquent plus qu'un déclin des bâtiments prioraux.
Le déclin (XVIe-XVIIIe s.)
Lorsque l'historien local René Lesson décrit Trizay en 1845, il mentionne la présence de fossés et de "redoutes" dans les bois avoisinants, terrassements qu'il attribue aux Guerres de Religion. Le prieuré de Trizay eut en effet beaucoup à souffrir de la présence des ligueurs et des huguenots, qui tinrent successivement garnison en ces lieux en 1585-1586, mais l'incurie des abbés commendataires de la Chaise-Dieu eut sans doute un rôle plus déterminant dans la ruine du prieuré.
A partir de la fin du XVIe s., les sources écrites conservées décrivent toujours le mauvais état des bâtiments. En 1638, le religieux assurant la garde de l'ensemble refuse de résider dans ces ruines un déclaration des biens de mainmorte établie en 1692 décrit également le mauvais état des bâtiments. Leur organisation correspond à celle qui subsiste aujourd'hui: bâtiments occupés par les religieux en charge du prieuré et de la paroisse, exploitation bayée à ferme s'inscrivant dans un vaste enclos de pierre sèche. Ce texte ne fournit aucune information sur l'église. En 1712, le prieur conventuel est obligé de résider à l'extérieur. La salle capitulaire sert alors d'écurie. Un procès-verbal de visite daté de 1760 nous apprend que le réfectoire fut converti en grenier, puis en pressoir et en brûlerie, qu'il y a "des prisons abandonnées depuis longtemps", un portail voûté, et que les bâtiments du cloître sont couverts de lierre.
Ce texte fournit également des informations difficiles à interpréter sur l'état de l'église priorale. En cette fin du XVIIe siècle, elle fait déjà office de lieu de culte paroissial, "Ruiné depuis longtemps", cet édifice conservait "ses quatres murs, sa porte d'entrée, le clocher et une vieille cloche, Cette description concerne-t-elle uniquement la chapelle axiale ? C'est probable L'acte de vente comme bien national en 1791 mentionne bien la présence d'une nouvelle église de Trizay, mais ajoute que ce bâtiment "a son passage sur l'ancienne église" Il s'agit donc là encore vraisemblablement de l'abside axiale fermée par un mur.
En 1692, les bâtiments prioraux sont partagés entre le prieur, le curé du lieu et le sacristain. Ces trois charges correspondent à trois revenus distincts consignés dans le pouillé saintais de 1683 restitué par Charles Dangibeaud.
Après la Révolution
La privatisation des bâtiments prioraux, utiles à l'exploitation agricole associée, permit leur entretien sommaire. Les ruines de l'église et le cimetière paroissial, propriétés de la commune, seront par contre laissés à l'abandon après le déplacement du sanctuaire au cœur du village (chapelle du nouveau cimetière en 1843, puis nouvelle église paroissiale en 1897). La municipalité sera dessaisie en 1952 de ces vestiges, classés en 1920. Depuis lors, la tendance s'est heureusement inversée, puisque la commune acquiert progressivement l'ensemble du site afin d'en assurer la mise en valeur
De l'édifice originel, situé en position dominante par rapport aux champs et marais environnants, ne subsiste aujourd'hui que la partie orientale, constituée de trois chapelles contiguës.
L'abside axiale, de dimensions importantes (longueur: 12m, largeur: 9m, élévation: 12m) 24, est parfaitement orientée. Les deux autres chapelles, de dimensions plus réduites (longueur: 6m, largeur: 5m, élévation: 10m), flanquent l'abside orientale au Nord et au Sud. Deux étroits couloirs coudés permettent de passer de la chapelle d'axe à chacune des chapelles latérales. Ces deux passages sont voûtés en berceau. Le couloir nord a fait l'objet de remaniements: son ouverture sur la chapelle axiale a été retaillée (élargissement à la base), et le passage a été bouché sur les trois-quarts de sa hauteur.
Les trois chapelles sont bâties sur le même plan. une (chapelles latérales) ou deux (chapelle d'axe) travées droites voûtées en plein cintre précèdent une abside voûtée en cul de four. Les voûtes des travées droites sont étayées par des arcs doubleaux soutenus par des colonnes engagées cylindriques surmontées de chapiteaux sculptés. L'abside de la chapelle axiale est rythmée par quatre colonnes identiques à celles des travées droites.
Les sculptures, de facture soignée, sont très proches de celles de Saint-Eutrope de Saintes et de Saint Jean-de-Montierneuf de Poitiers. Dans la chapelle d'axe, mis à part les deux chapiteaux de l'arc triomphal, représentant chacun deux lions aux corps tordus, les décors des chapiteaux sont constitués de feuillages, palmettes et volutes. Le thème végétal, bien que figurant sur pratiquement tous les chapiteaux des chapelles, est traité avec une grande diversité, tant dans la représentation des feuillages que dans la qualité de la sculpture. Dans certains cas, le décor se résume à de simples feuilles d'eau, et quelques chapiteaux donnent l'impression d'être inachevés.
Les chapiteaux de la chapelle nord traitent le thème animalier avec, au sud-est, deux lions affrontés, et, au Nord-Ouest, un masque entre deux lions.
Dans la chapelle sud, le chapiteau nord-est présente des entrelacs soignés, tandis que son vis-à-vis porte palmettes et volutes.
Dans la chapelle axiale, outre les arcs doubleaux supportant les voûtes, les colonnes engagées portent de grands arcs latéraux perpendiculaires aux doubleaux.
Les trois chapelles sont éclairées par des baies en plein cintre: cinq dans l'abside orientale, trois dans les absidioles nord et sud. ces baies sont encadrées de fines colonnettes surmontées de chapiteaux de forme losangique et sculptés de feuillages. La chapelle septentrionale possède une ouverture supplémentaire, en plein cintre mais sans colonnettes, face à l'ouverture du passage nord.
Au-dessus des arcs triomphaux des deux chapelles latérales, les murs sont percés chacun de deux oculi.
Le passage nord, entre la chapelle axiale et la chapelle nord, est doté d'un escalier à vis permettant d'accéder aux niveaux supérieurs. L'examen de l'élévation est de cet escalier révèle que celui-ci ne faisait pas partie du projet initial de construction. Une césure dans la maçonnerie apparaît nettement. Il est possible qu'au cours du montage des murs, les bâtisseurs aient souhaité faciliter l'accès aux niveaux supérieurs (pour entretenir les combles, par exemple), reprenant alors les maçonneries en cours pour y inclure un escalier.
Les élévations des trois chapelles conservées ne semblent pas avoir fait l'objet de reprises. Les murs sont arasés à une hauteur de 15m. A cette altitude, le mur de la chapelle d'axe est muni de chenaux extérieurs soulignés d'une frise de modifions sculptés.
Les murs des chapelles sont confortés, à l'extérieur, par des contreforts plats, d'une hauteur presque identique à celle des élévations. Ceux de la chapelle d'axe sont surmontés chacun d'une sphère. Ces ornements font partie intégrante de la construction de la fin du XIe siècle. Leur emplacement est prévu dès l'origine: les pierres qui les surmontent sont taillées en conséquence.
Les trois chapelles conservées de l'église priorale ne permettent pas de restituer le plan initial de l'édifice. Aucun document graphique ancien, aucun texte n'apporte de précisions sur les parties disparues, et rien ne permet d'étayer les diverses conjectures avancées dans la bibliographie - d'ailleurs fort pauvre - du site.
Trois hypothèses de restitution théoriques ont été envisagées préalablement à la fouille:
L'ouverture d'une série de sondages implantés en fonction de ces différents plans théoriques, associée à une analyse des élévations subsistantes, suffisait pour révéler le plan originel de l'édifice.
Les sondages 3, 4, 5, 6 et 14 ont révélé des structures extrêmement arasées qui permettent cependant de restituer le plan originel de l'église Saint-Jean l'Evangéliste. C'est finalement la dernière hypothèse exposée plus haut qui s'est révélée être exacte: nous sommes en présence d'un édifice centré, de plan octogonal.
Le plan de cet octogone est original. Il est construit selon un point de symétrie central. L'église achevée comptait cinq chapelles: la chapelle d'axe, orientée à l'Est, et quatre chapelles diamétralement opposées. Les côtés nord et sud de l'église formaient des pans rectilignes, sans chapelle. L'absence de chapelle au Sud peut s'expliquer par le projet d'implantation d'un cloître attenant à l'église. Une symétrie aurait alors été recherchée au Nord. Le côté ouest de l'édifice forme également un pan droit, dans lequel s'ouvrait vraisemblablement le portail. Deux hypothèses étaient envisageables concernant le portail principal de l'église: soit la façade était un mur droit, soit le portail était installé dans une chapelle tronquée faisant face à la chapelle axiale, comme c'est le cas pour la chapelle Saint-Michel-d'Entraigues à Angoulême. Il s'avère que l'église Saint-Jean possédait une façade droite. Bien que nous n'ayons pas d'éléments pour affirmer que l'entrée principale se trouvait à l'Ouest, il ne semble pas hasardeux de proposer cet emplacement pour le portail. C'est l'emplacement privilégié de l'entrée principale, et c'est également celui qui va le plus dans le sens de la symétrie générale caractérisant l'église Saint-Jean.
Le site, en plus d'avoir servi de carrière après son abandon, a fait l'objet d'un décaissement important, et seules les fondations ont résisté à ces deux phénomènes. Il est même vraisemblable que nous ne disposions pas de la hauteur complète des fondations, puisque le sol naturel sur lequel elles prennent appui est apparu immédiatement sous une couche de remblai très moderne épaisse en moyenne de 20 à 30cm.
Nous pouvons toutefois assurer que cet édifice ne comportait que quatre chapelles annexes. En effet, dans le sondage 14, qui devait nous permettre de vérifier l'existence d'une chapelle nord, nous n'avons mis au jour qu'un puits perdu. Il n'existe de plus aucun retour vers le Nord du mur partiellement conservé à l'Ouest de la chapelle nord. De plus, le sondage 3, situé à la jonction de l'église et du cloître, n'a révélé aucune trace de chapelle sud. Seul un mur droit a été mis au jour, muni d'un contrefort rectangulaire peu saillant. ce contrefort n'étant pas exactement centré par rapport au mur, il est possible qu'un second soutien ait existé plus à l'Ouest. La symétrie semblant avoir été de règle dans la construction de cette église, nous pensons pouvoir restituer un mur identique au Nord.
Le plan restitué de l'édifice révèle des dimensions exceptionnelles pour un édifice de plan centré: 40m dans l'axe de la chapelle orientale; 39m hors œuvre d'une absidiole à l'absidiole opposée.
Puisque nous nous trouvons dans un édifice de plan centré, il est légitime de supposer qu'il existait un autel au centre de l'église, installé sur un podium un tel aménagement semble bien avoir été réalisé En effet, à l'extrémité nord du sondage 3, le sol naturel, qui apparaît sous seulement 10cm de remblai, conserve l'empreinte en négatif d'un aménagement circulaire. Cette structure, dont le diamètre restitué peut être évalué à 7m, portait probablement un autel central.
Ce dispositif comparable à la rotonde de Charroux, implique l'existence d'un système de déambulation particulier, permettant de circuler autour de l'autel. Les vestiges maçonnés mis au jour dans le sondage 3 laissent supposer que l'espace central était cerné par un double déambulatoire.
Malgré le fort arasement des vestiges, nous avons pu en effet déterminer la présence de deux murs bahuts concentriques signalés chacun par une banquette aménagée dans le rocher, recouverte du même mortier de construction que les fondations de l'église, et portant par endroits les restes d une première assise de moellons.
Les fondations du mur bahut intérieur se caractérisent par un plan circulaire et une largeur approximative de 1 m. son homologue extérieur, octogonal, présente une épaisseur de 1,50m. Ces murs de soutènement matérialisent deux déambulatoires d'une largeur de 3m.
L'arasement du site ne permet pas de restituer précisément les niveaux de circulation correspondant aux différents éléments du dispositif concentrique. Les rares témoins en place illustrent toutefois la présence d'un système de gradins s'élevant vers le podium central. Chaque mur bahut correspond à un emmanchement, un liseré de mortier observé au milieu du déambulatoire interne suggérant un degré intermédiaire. C'est probablement au niveau de ce dernier aménagement que s'effectue le passage du plan octogonal au plan circulaire.
Il ne subsiste aucune trace des supports implantés sur les bahuts. La parfaite géométrie du plan et le rythme des élévations conservées impliquent la présence de huit colonnes sur chaque mur de soutènement Le voûtement du déambulatoire extérieur est attesté par des arrachements d'arcs aux jonctions des chapelles conservées. Ces arrachements apparaissent 15m au dessus du sol actuel. Le voûtement de cet étroit couloir s'opérait donc très haut. une telle élévation a également été retenue par G. Schwering-Illert dans sa restitution du déambulatoire extérieur de Charroux. Le Pauvrement du déambulatoire interne de Trizay s'effectuait à une altitude encore supérieure. La nature des parties hautes de l'espace central demeurera à jamais mystérieuse. L'architecte a-t-il prévu une tourlanterne ? une coupole ?
La restitution partiellement théorique que nous pouvons donner de l'église priorale de Trizay confirme donc le caractère exceptionnel de l'édifice. Les rares comparaisons utilisables pour replacer ce monument dans la série des édifices romans de plan centré seront présentées dans la synthèse qui clôt ce chapitre.
L'absence de documents relatifs à l'état originel de l'édifice et la conservation partielle des élévations suscitent une nouvelle question: cet imposant projet a-t-il été achevé ?
Il est vrai que, quelle que soit la durée des chantiers, nous ne connaissons pas d'exemple d'édifice religieux de cette période (fin du XIe siècle) dont la construction ait été inachevée.
Deux arguments plaident plutôt en faveur d'un achèvement du gros-oeuvre de l'église priorale de Trizay. Nous sommes certains que l'édifice a été totalement implanté au sol, plusieurs indices attestant également la mise en place des niveaux de circulation interne sur toute l'emprise de l'église. Plus encore, les départs d'arcs doubleaux décrits dans le paragraphe précédent tendent à prouver que le déambulatoire extérieur a au moins partiellement reçu une couverture. Enfin, l'existence d'une galerie de cloître implique la réalisation de la paroi sud de l'église, sur laquelle s'appuyait cette structure.
A contrario, la décoration interne n'a sans doute pas été achevée. En effet, certains chapiteaux ne semblent pas avoir été entièrement terminés avant leur mise en place. La même remarque s'applique aux bases des colonnes de la chapelle axiale: toutes les bases en place n'étaient pas sculptées, alors qu'elles étaient visiblement prévues pour l'être.
D'autre part, aucun remaniement postérieur à l'état d'origine ne signale une utilisation prolongée du bâtiment dans son ensemble.
Les indices relevés ne lèvent donc pas totalement l'ambiguïté. Des élévations et des aménagements internes aujourd'hui disparus ont sans doute été construits (déambulatoire extérieur, mur sud, gradins vers le podium central) alors que certaines finitions de détail ne furent vraisemblablement pas réalisées.
Ces aspects pouvaient être appréhendés essentiellement dans les trois chapelles encore en élévation. Il s'agissait de reconnaître, dans la mesure du possible, les différents aménagements propres à la célébration du culte et de restituer les niveaux de sols originels.
Dans la chapelle axiale, afin de reconnaître l'emplacement de l'autel et les niveaux de sols originels, nous avons repris les trois sondages ouverts avant notre intervention. Le sondage 7 est situé au fond de la chapelle, entre les deux colonnes engagées orientales de l'abside. Le sondage 8 se trouve au droit du support sud de l'arc doubleau précédant l'abside. Le sondage 9 est implanté dans l'angle sud-ouest de la chapelle; il concerne essentiellement le passage sud et son seuil. Un quatrième sondage a été effectué au seuil de la porte installée dans le mur occidental fermant la chapelle. Il devait nous permettre de vérifier la nature et l'état de conservation d'un éventuel aménagement antérieur à la porte actuelle.
Structures contemporaines de la construction de la chapelle
A l'extrémité ouest du sondage 9 apparaît une banquette maçonnée, dans un état de conservation assez médiocre, puisqu'elle a été sérieusement endommagée par l'édification du mur de bouchage occidental. Cette banquette, composée de pierres de taille rectangulaires de moyen module, n'existe pas dans les chapelles latérales. Elle fonctionne avec l'élévation de la chapelle: sa fondation est dans la continuité de celle du mur sud de l'abside. Bien que l'exiguïté du sondage ne fournisse qu'une vue partielle de cette maçonnerie, il semble que nous soyons en présence d'un mur bahut installé entre les deux supports de l'arc triomphal. S'agit-il d'un dispositif uniquement technique, palliant à la forte poussée exercée par les retombées de l'arc ?
Ou de la base d'un aménagement distinguant la chapelle axiale (chances ou clôture de pierre, de bois ou de métal)?
Une autre structure maçonnée a été mise au jour dans les sondages 8 et 9. Il s'agit d'une canalisation ou d'un drain d'orientation ouest-est, installé au moment de la construction de la chapelle. Les points d'origine et d'aboutissement de cette structure très perturbée sont inconnus. Sa paroi sud utilise les fondations du mur sud de l'abside. La paroi nord est réalisée en petits moellons assez réguliers, presque rectangulaires, liés par le même mortier que le reste de la chapelle. La couverture de la canalisation est constituée de dalles calcaires plates posées au Sud sur les fondations de la chapelle, au Nord sur la paroi nord de la structure; le sol naturel fait office de fond.
L'autel de la chapelle axiale.
Enfin, dans le sondage 7, apparaît un important massif maçonné, qui prend appui contre les fondations de l'abside. De forme carrée (2,90m de côté), il est constitué de parements en pierres de taille de moyen module, enserrant un blocage de moellons irréguliers, disposés en lits réguliers, et noyés dans un mortier beige orangé, fin, pulvérulent en surface mais résistant au cœur de la maçonnerie. Ce massif correspond à la fondation d'un autel.
Les dallages successifs du Passage sud.
Seul le sondage 9, situé dans la chapelle axiale, a fourni quelques indices sur les niveaux de sols originels. Ce sondage ayant déjà été réalisé avant l'intervention des archéologues, nous n'avons pu effectuer d'observations que sur la Stratigraphie. Un nettoyage poussé du passage sud nous a permis de compléter les informations recueillies dans le sondage.
La fondation de la chapelle, épaisse de 10cm en moyenne, repose sur le sol naturel. Elle forme une semelle débordante de 28cm par rapport à la banquette ouest, et de 38crn par rapport à l'élévation sud de la chapelle. Sur ces fondations, a été épandue une couche argileuse brun-rouge (23cm) contenant de nombreuses pierres calcaires (sol naturel remué). Vers l'Est, ce niveau est recouvert d'un lit de mortier épais de 3 à 5cm, de couleur brun-orange, assez fin, chargé en sable et contenant quelques nodules de chaux. Sur ce mortier, une mince couche (0,5 à 2cm) de petit Cailloutis calcaire, voire par endroits de calcaire concassé et Compacte, correspond soit à un niveau de travail, soit au radier d'un dallage, les deux hypothèses ne s'excluant.
Des dalles éparses sont en effet conservées sur cette couche de cailloutis et de calcaire concassé, qui témoignent d'un agencement originellement régulier. Elles présentent de fortes traces d'usure dues à des passages répétés. Il est fort possible que nous ayons ici les vestiges du niveau de circulation originel de la chapelle axiale.
La dernière assise conservée de l'élévation primitive du seuil du passage est encore partiellement recouverte par un lit de mortier, semblable à celui qui a été employé pour la construction de l'église. Il présente un négatif de dalle qui doit être rattaché au sol décrit précédemment. Si l'on ajoute sur ce lit de mortier une assise supplémentaire de 10cm d'épaisseur (correspondant à la hauteur de la première assise des piédroits), on obtient un niveau de seuil originel tout à fait plausible.
La terre mêlée de mortier qui recouvre le dallage primitif peut être interprétée comme une couche d'encrassage. Elle est recouverte d'un niveau de composition semblable (terre, mortier et petits cailloux) mais de couleur grise, épaisse de 5cm.
Ce dernier niveau est occulté par un remblai compact et composite (mortier dégénéré, terre brune argileuse), épandu sur une épaisseur de 15 à 20cm. Sa surface damée est recouverte d'une mince couche de poussière non stabilisée. Il s'agit ici du dernier niveau de circulation de la chapelle, à mettre sans doute en relation avec le dallage de pierres calcaires carrées ou rectangulaires encore en place dans le passage sud. Les pavés, très usés, sont posés sur un lit de mortier ocre-jaune très fin et chargé en sable, résistant, contenant de petites et peu nombreuses inclusions de chaux. Dans la moitié sud du passage, seul le mortier de pose est conservé, les dalles ont été récupérées.
Ce sont là les seuls indices concernant les niveaux de sols originels de l'église. Encore ne sont-ils valables que pour la chapelle d'axe.
L'église Saint-Jean l'Evangéliste de Trizay s'inscrit dans un vaste ensemble d'édifices inspirés plus ou moins librement de l'Anastasis de Jérusalem. Certains vocables semblent plus particulièrement attachés à ce type de monuments: Saint-Sépulcre, Sainte-Croix, Saint-Jean (Baptiste ou l'Evangéliste), Notre-Dame. Ces sanctuaires ont souvent été édifiés suite aux croisades, ou au retour de pèlerinages en Terre Sainte. D'autres constituent une série plus précoce dont la chapelle palatine d'Aix-la Chapelle représente le prototype en Occident. Quelques-uns ont été utilisés comme structures funéraires, d'autres étaient voués à la seule célébration du culte.
Les ossuaires, associés à des cimetières, font le plus souvent partie d'ensembles hospitaliers. Les autres édifices, dont Saint-Jean de Trizay, sont intégrés à des ensembles conventuels, abbatiaux ou priorats. Enfin, une troisième série d'édifices centrés est constituée de petites constructions jouant le rôle de reliquaires.
Nous aborderons ces différents types à travers les exemples attestés dans le Centre-Ouest.
Les monuments liés à un ensemble hospitalier.
Ces édifices sont le plus souvent de taille assez modeste et de réalisation simple.
Bâti au milieu du XIIe siècle, l'Octogone de Montmorillon (Vienne), placé sous le vocable du Saint-Sépulcre, est intégré aux bâtiments de la Maison-Dieu. Son plan est un octogone régulier de 6m de côté, flanqué à l'Est d'une abside rectangulaire abritant l'autel. La salle souterraine correspondante servait d'ossuaire. La liaison entre les deux salles est assurée par un oculus polylobé placé au centre de la chapelle supérieure, et par un escalier étroit ménagé dans la paroi nord de la même salle 31.
La chapelle Saint-Jean de Châteauneuf-sur-Charente est comparable à la salle basse de l'Octogone de Montmorillon. La pièce semi-enterrée présente une Structure externe octogonale de 3m de côté qui épouse un espace circulaire de 5m de diamètre. Elle est surmontée d'une coupole. Aucune chapelle supérieure n'a été repérée. Les fouilles menées sur le site en 1979-1980 attestent la fonction d'ossuaire de cet édifice, associé à un Hôtel-Dieu médiéval.
Nous ne savons presque rien de l'église Saint-Martin du Saint-Sépulcre de Parthenay (Deux-Sèvres), détruite en 1805 sa fondation, au début du MIe siècle, est attribuée à Ebbon, seigneur de Parthenay, de retour de croisade. Comme Trizay, elle dépendait au XIIe siècle de l'abbaye de la Chaise-Dieu. Le chœur avait la forme d'une rotonde dont la voûte, partant des parois, venait s'appuyer sur une couronne de piliers délimitant un espace central un petit hôpital était associé à cet édifice. Les fouilles menées sur ce site n'ont pas révélé d'ossuaire.
Datée de 1137, la fondation de Saint-Michel-d'Entraigues, près d'Angoulême (Charente), est attribuée aux Augustins de l'abbaye de La Couronne. Ici encore, l'édifice semble avoir été en relation avec un hôpital. C'est un octogone régulier sur les côtés duquel ont été montées des absidioles en demi-cercle. Le diamètre extérieur de l'édifice est de 20m. Sa fonction funéraire n'est pas formellement attestée.
Les ensembles conventuels.
Fréquemment adopté dans les ensembles monastiques carolingiens, le plan centré devient relativement exceptionnel à la période romane. On peut cependant citer, en France, Saint-Bénigne de Dijon, Ferrières-en-Gâtinais, Sainte-Croix de Quimperlé, ou encore l'église de la Vera Cruz à Ségovie (Espagne). Mais la plupart de ces constructions sont intégrées dans des édifices de plan basilical. C'est, pour la région Poitou-Charentes, le cas de la rotonde de l'abbatiale Saint-Sauveur de Charroux (Vienne).
Il ne reste rien de la première abbaye, dont la construction est attribuée à Roger, comte de Limoges et à sa femme Euphrasie, avant l'an 800. Les vestiges subsistant aujourd'hui appartiennent à sa refondation, placée sous le vocable du Saint-Sauveur, à la fin du XIe siècle. Le plan combinait un système allongé, en forme de croix, avec un système centré autour d'une rotonde tenant lieu de croisée du transept. Les dimensions de l'abbatiale étaient importantes: sa longueur totale était de 110m, dont 50 pour la nef; le diamètre de la rotonde était de 77m. L'autel majeur, placé au centre de la rotonde, au-dessus de la crypte circulaire, était cerné par un triple déambulatoire concentrique. La nef tripartite comptait dix travées. Chaque croisillon du transept possédait une absidiole. Le chœur à déambulatoire était pourvu de trois chapelles. Enfin, deux autres chapelles s'ouvraient à la jonction des Croisillons du transept et du chevet.
Les reliquaires et les caveaux
Nous connaissons un exemple régional de reliquaire polygonal, à Aubeterre (Charente). Sculpté dans un bloc monolithe placé au centre de l'église, il est composé de deux étages. L'ensemble mesure 6m de haut et 3m de large. Le premier étage est, sur chacune de ses faces, percé d'arcatures-aveugles en plein cintre; l'étage supérieur est éclairé par des arcades en plein cintre. L'intérieur se présente, selon ch. Daras, comme "un caveau arrondi couvert d'une voûte sphérique (...). On y pénétrait par une porte rectangulaire aménagée dans la paroi ouest, aujourd'hui bouchée."
Enfin, le mausolée de la chapelle Saint-Georges de Brigueil (Charente) est un petit caveau hexagonal surmonté d'une coupole contenant un sarcophage.
Trizay dans la série des édifices régionaux de plan centré
Le plan de l'église priorale de Trizay se prête mal à une étude comparative. Comme le remarquait L. Grodeclci, les édifices de plan centrés construits à l'époque romane "restent malgré tout exceptionnels, à tel point qu'une explication particulière s'impose pour chacun d'eux" on retrouve pourtant à Trizay certains partis communs à d'autres édifices: montée progressive vers l'espace central, géographie complexe des autels, multiplicité de déambulatoires. La rotonde de Charroux (deuxième moitié du XIe s., sans doute avant 1082), même si son plan diffère notablement, semble avoir fourni à l'architecte un certain nombre d'influencer. Il serait également intéressant de préciser les relations qu'a pu entretenir le plan de Trizay avec le seul autre édifice centré attesté en Saintonge: l'église Sancta Maria Rofunda de Saintes, uniquement connue par un texte.
Du cloître priorat, ne subsistent aujourd'hui que les bâtiments est et sud.
Le bâtiment est comprend au rez-de-chaussée, du Nord au Sud: un passage permettant l'accès à l'étage, la salle capitulaire, la salle des moines (?), un passage vers l'extérieur du cloître, et le cellier (ou cuisine). A l'étage, se trouvait le dortoir. Le bâtiment sud n'est accessible que dans sa partie orientale, l'autre extrémité étant propriété privée. La moitié est de ce bâtiment est occupée par le réfectoire des moines. Si les murs de l'ensemble des bâtiments sont relativement bien conservés il n'en est pas de même pour l'agencement interne. De plus, de nombreux réaménagements ont affecté les ouvertures (baies et portes).
Le passage situé à l'extrémité nord du bâtiment est devait à l'origine comporter un escalier donnant accès au dortoir. Cet escalier a aujourd'hui disparu, et un mur a été monté dans le passage. La porte du dortoir a été bouchée et est à peine décelable dans l'élévation.
La salle capitulaire semble la partie du cloître la mieux conservée. Elle est surtout celle dont la façade attire le plus le regard, grâce à son arcature dont le décor tranche avec la sobriété environnante. Cette arcature est constituée d'une série de baies aujourd'hui bouchées, surmontées d'arcs polylobés sculptés. Deux de ces arcs, de plus grand module, surmontent la porte du passage nord et l'entrée de la salle capitulaire. Le style du décor sculpté de l'arcature appartient au milieu voire à la seconde moitié du XIIe siècle. L'intérieur de la salle capitulaire a été refait récemment. C'est une salle rectangulaire de 8,60 x 6,20m, postérieurement voûtée d'ogives d'un type archaïque. Les retombées d'ogives s'appuient sur des culots sculptés engagés dans les murs (certains de ces culots sont de facture récente) et sur deux colonnes cylindriques centrales entièrement refaites. Il n'y a pas trace d'une banquette le long des murs. Celle-ci était peut-être simplement constituée de bancs de bois.
Aucune communication directe n'est visible entre la salle capitulaire et la probable salle des moines. Cette dernière est une pièce rectangulaire de dimensions réduites (6 x 4,40m). L'ouverture donnant sur le cloître a été modifiée, vraisemblablement quand les bâtiments claustraux ont été transformés en écuries Une porte bouchée dans le mur est de la salle permettait d'accéder à l'extérieur dû cloître Cette porte n'est visible à l'intérieur que sur une faible hauteur, seule sa partie supérieure, surmontée d'un arc en plein cintre est repérable. Il semble donc que la ,salle des moines ait été fortement remblayée.
Le passage situé au Sud de la salle des moines a une largeur interne de 2,20m. Il semble également avoir subi un important remblaiement. Une corniche très peu saillante court le long des deux parois du passage. L'ouverture donnant sur l'extérieur du cloître est bouchée. Elle est coiffée d'un arc surbaissé.
Le cellier, ou cuisine, est la dernière salle du bâtiment est. C'est un vaste espace rectangulaire, de 12,80 x 6m. Il n'existe pas de communication entre le cellier et le passage décrit ci-dessus. Une porte a été installée dans le mur sud de la salle, qui donnait accès au jardin. Le cellier est voûté en berceau brisé.
Si l'escalier primitif situé au nord de l'édifice a disparu, l'étage reste accessible par un escalier et une porte du XVIIe s. une porte bouchée est visible à mi-hauteur, dans le mur nord du bâtiment sud. Elle est surmontée d'un arc gothique tardif en accolade.
L'étage, aujourd'hui divisé en plusieurs pièces, formait à l'origine le dortoir des moines. Il est pratiquement impossible de connaître l'aspect originel de cet espace, du moins dans ses aménagements internes. Toutes les fenêtres originelles de la façade ouest sont repérables, bien que certaines aient été soit bouchées soit remaniées. Les fenêtres du mur est, à supposer qu'il y en ait eu à l'origine, ne sont pas visibles, du fait de nombreux remaniements. Dans la salle sud (mur sud), sous plusieurs couches de badigeon de qualité médiocre, se devinent encore quelques traces de peintures murales représentant des arabesques. Une cheminée a été installée contre la paroi ouest de la pièce. Elle est surmontée d'un blason aux armes pratiquement illisibles, et son manteau a été complètement bûche. Au nord de cette cheminée, une porte avec arc en accolade, à moitié bouchée, donne accès, par le truchement d'un escalier, au réfectoire. Elle fonctionnait certainement avec la porte repérée dans le mur nord du bâtiment sud.
Du bâtiment sud, seul le réfectoire est accessible actuellement. Celui-ci est une vaste salle rectangulaire de 15 x 6,80m, voûtée en croisées d'ogives. Le parement interne du mur ouest se caractérise, dans sa moitié supérieure, par un opus spicatllm soigné mais malheureusement rejointoyé au "ciment prompt". La moitié inférieure du même mur présente une arcature bouchée, portée par de fines colonnettes surmontés de petits chapiteaux à trois tores. L'implantation des fenêtres originelles est encore visible sur la paroi sud. Le rythme irrégulier de ces ouvertures et la présence d'une reprise de maçonnerie suggère l'existence d'une chaire disparue. Cet espace a été voûté d'ogives et orné de peintures murales (XVe-début XVIe s.) dont il subsiste quelques traces (symboles des quatre Evangélistes). Les ouvertures de cet espace ont été totalement modifiées. Une porte bouchée établie dans le mur nord de la salle donnait à l'origine accès à l'aile occidentale du cloître. La campagne de travaux gothique a amené le percement d'une ouverture précédée d'un escalier reliant le réfectoire au dortoir. Enfin, un vaste portail marque la transformation de cette pièce en garage. Les niveaux de sol ont également été fortement surhaussés.
Les divergences stylistiques et la différence d'échelle existant entre l'église Saint-Jean et les bâtiments claustraux portent la marque de deux campagnes de travaux successives: construction de l'église à la fin du XIe s.; établissement du cloître au milieu ou dans la seconde moitié du XIle s. Il est malgré tout probable qu'un cloître était prévu dans l'implantation originelle, comme le montre l'absence de chapelle sud. L'écart chronologique constaté entre les deux campagnes de construction peut s'expliquer par la lenteur de la mise en œuvre, mais il est également possible qu'il marque une évolution du projet. Le cloître, et en particulier la salle capitulaire, remarquable par ses faibles dimensions, sont conçus à l'échelle de la communauté des moines de la Chaise-Dieu (13 moines à la fondation), établis entre 1162 et 1177. La première date fournirait alors un terminus Posé quem pour la construction des bâtiments claustraux. Les observations réalisées à la jonction de l'église et du bâtiment est du cloître fournissent la preuve matérielle de l'accrochage du cloître à une église préexistante. En effet, dans le passage situé au nord de la salle capitulaire, les vestiges du parement extérieur de la chapelle sud sont encore visibles. Ce parement a été en partie arraché lors de la construction du bâtiment est, et réutilisé pour l'édification de l'escalier permettant l'accès au dortoir et aujourd'hui disparu.
La galerie du cloître était totalement inconnue avant l'intervention archéologique. Son existence était suggérée par la présence de quelques corbeaux et d'une corniche entre les deux niveaux de l'élévation ouest du bâtiment oriental. Les sondages 1, 2 et 3 devaient donc nous permettre d'en savoir plus, en nous fournissant des informations sur la largeur et éventuellement le plan de la galerie couverte dont le cloître était certainement pourvu.
Apparemment, une importante récupération de matériaux de construction a été effectuée dans cette partie du site. En effet, aucun des trois sondages du Cloître n'a livré le moindre vestige maçonné. Sous une couche de terre végétale peu épaisse (5 à10cm en moyenne), apparaît un remblai hétérogène, constitué essentiellement de terre noire et de sable. Ce remblai contient un mobilier peu abondant mais hétéroclite : pierres de taille, éléments sculptés ou gravés, tuiles modernes, quelques fragments de céramiques, clous, morceaux de plastique, etc. Il s'agit donc d'un remblai très moderne, qui pourrait avoir été mis en place lors de l'aménagement du site en garage de ferme.
Le sol naturel affleure directement sous ce remblai moderne mais le tracé de la galerie du cloître apparaît en négatif à la surface du rocher. En effet, celui-ci est entaillé de façon très nette et régulière dans les sondages 1 et 2. La distance entre le mur ouest du bâtiment oriental et la découpe du sol naturel est de 2,80m. Dans le sondage 2, une couche de mortier, épaisse de 5cm et large de 30cm vient se coller contre la paroi verticale est du rocher entaillé. Le mortier est de couleur jaune-orange, de texture assez fine et résistante. Il constitue probablement le dernier résidu de la tranchée de construction d'un muret s'appuyant contre le rocher si l'on suppose à ce muret une largeur de 30cm, on obtient une galerie de 2,50m de large, dimension que l'on retrouve dans la plupart des galeries de cloître de la période.
Il est donc possible de restituer l'emplacement du muret est de la galerie du cloître. Au nord, le sondage 3 n a livré aucun vestige d'une galerie de cloître L'arasement extrême de cette zone peut expliquer cette absence. La restitution d'une galerie du cloître sur cette face pose de toutes manières un problème, puisque la chapelle sud-ouest de l'église priorale aurait inévitablement empiété sur cette zone de circulation. La possibilité d'une galerie limitée à trois côtés du cloître trouvera quelques parallèles dans l'architecture romane régionale. Yves Blomme a proposé un tel plan pour le cloître de Trizay et celui de la Frenade. Les faces ouest et sud de cloître, inaccessibles, n'ont pu être étudiées. Nous disposons toutefois de deux indices qui permettraient de restituer l'emplacement de l'aile occidentale du cloître roman: l'existence d'une aile en retour partiellement conservée sur le plan cadastral "napoléonien" et la position de la porte qui s'ouvrait à l'extrémité ouest du réfectoire, probablement dans l'axe de cette galerie. Cette hypothèse marquerait la présence d'un cloître rectangulaire.
Dans l'emprise de la galerie est, le substrat calcaire apparaît d une altitude inférieure à la cote relevée dans le jardin du cloître. Toutes les salles du rez-de-chaussée du bâtiment sont également établies en contrebas de l'espace central. A l'origine, la surface du jardin du cloître était probablement située à un niveau proche de celui de l'actuelle cour et de la galerie, niveau supérieur à celui du sol des différentes pièces du bâtiment.
La salle des moines, qui jouxte la salle capitulaire au sud, est pourvue de deux accès. L'un, à l'Ouest, donne sur le cloître; il a été complètement refait à une époque récente. L'autre, aujourd'hui bouché, donne sur l'extérieur du cloître, vers l'Est. Afin de vérifier le niveau de seuil de cette ouverture et l'existence ou non d'aménagements extérieurs, nous avons repris et agrandi le sondage situé au droit de la porte, à l'extérieur de la salle des moines (sondage 11).
Il s'agit d'une porte romane surmontée d'un arc en plein cintre dont les claveaux sont coiffés d'une sorte de corniche. La largeur d'ouverture est de 1,60m. Le seuil se situe 1,20m sous le niveau de sol actuel, ce qui permet de restituer une hauteur d'ouverture de 2,20m. Seul le négatif du seuil est observable, la ou les dalles le constituant sans doute à l'origine ayant disparu.
La porte et le mur dans lequel elle a été installée ont fait l'objet de plusieurs reprises affectant notamment le piedroit sud.
Le bouchage de l'ouverture porte lui aussi les marques de plusieurs remaniements. La porte semble avoir été occultée une première fois, à l'aide d'un blocage de pierres grosssièrement équarries de module variable et d'un mortier orange mêlé à de la terre. Il est impossible de savoir si ce bouchage concernait toute l'ouverture ou seulement sa partie basse (la porte à demi fermée devenant ainsi une fenêtre). La partie haute de la porte montre un second bouchage, ou une reprise du premier. Les pierres employées sont vaguement rectangulaires, de tailles variées, le mortier est compact et de couleur rosée. Au centre de ce bouchage, une fenêtre étroite (25cm de large) a été aménagée, délimitée par trois blocs grossièrement taillés. Cette petite fenêtre a ensuite été fermée par trois pierres plus ou moins carrées et un mortier très proche du blocage précédent. Enfin, un rejointage au ciment gris est visible au centre de la porte romane et au sud de son piedroit méridional.
Aucun niveau de sol en relation avec l'un des états de la porte n'a été mis au jour. Le sol naturel apparaît sous un remblai hétérogène très moderne. Ce remblai semble avoir été répandu tout le long du bâtiment est, puisqu'on le retrouve aussi dans le sondage 12, son épaisseur est en moyenne de 60 à 50 cm, mais elle est plus importante devant la porte (1,2Om). Le sol naturel est en effet surcreusé à cet endroit.
Aucun aménagement de l'espace extérieur au bâtiment (mur de terrassement, escalier) n'est visible dans ce sondage. On peut se demander si la porte a réellement rempli ce rôle un jour: immédiatement à l'Est de celle-ci, à peine à un mètre de distance, le sol naturel remonte brusquement. Il n'y a, entre la porte et la remontée du rocher, matériellement pas de place pour un aménagement tel qu'une marche par exemple: en sortant de la salle, on venait buter sur la paroi rocheuse. De même, aucun aménagement n'est visible au Nord ou au Sud de l'ouverture. On pourrait penser que ces aménagements ont simplement été totalement récupérés. Mais, dans le cas d'aménagements latéraux de la porte, le mur du bâtiment présenterait des traces de ces structures d'un côté ou de l'autre de l'ouverture. Ce qui n'est pas le cas. Il est possible qu'en fait cette ouverture ait été, plutôt qu'une porte, une grande baie simplement destinée à éclairer la salle.
Aménagements tardifs.
Le sondage 12 nous a permis de vérifier la nature de l'aménagement tardif repéré dans l'élévation est du deuxième étage du bâtiment oriental Deux hypothèses étaient envisageables: il pouvait s'agir soit d'une latrines soit d'un évier. Les données fournies par le sondage ont été complétées par le nettoyage de la structure à l'intérieur du dortoir.
Cette structure correspond à un évier, aménagé à une époque tardive dans la partie sud du dortoir. L'évier a disparu, mais le système d'écoulement existe encore. Sous la fenêtre, au sol, une pierre munie d'une rigole a été posée. Elle traverse le mur de la salle. L'écoulement se faisait dans un puits perdu aménagé sous la fenêtre.
Ce puits perdu réutilise, pour sa paroi nord, un mur perpendiculaire et postérieur au mur du bâtiment est. Le mur, de facture grossière, est constitué de pierres calcaires de tous modules liées par une terre noire très argileuse. De nombreux remplois sont présents dans cette maçonnerie: fut de colonnettes, chapiteau à feuilles d'eau de colonnette engagée, chapiteau sculpté représentant un masque encadré de feuillages. L'extrémité ouest du mur a été intégrée au bouchage de la porte du passage des moines. Il correspond vraisemblablement à un aménagement en terrasse de cette partie du jardin oriental du prieuré.
Les sondages réalisés et les observations architecturales offrent désormais une meilleure connaissance du prieuré Saint-Jean l'Evangéliste de Trizay.
L'église de la fin du XIe siècle, dont ne subsistent que trois chapelles, est un édifice octogonal de grandes dimensions. Le plan centré est ici traité avec une grande originalité: construite selon un point de symétrie centrale, l'église comportait, outre l'abside orientale, quatre chapelles plus petites diamétralement opposées, les côtés nord et sud étant des pans rectilignes, de même que le côté ouest, où se trouvait sans doute le portail. L'aménagement de la partie centrale est beaucoup plus classique: deux déambulatoires, le premier octogonal et le second circulaire, peut-être séparés par un emmarchement, entourent un espace central rond laissant supposer l'existence d'un Podium sur lequel était installé un autel.
Seules les fondations sont conservées, ce qui indique que l'édifice a au moins été complètement implanté au sol. Mais le fort arasement subi par le site ne nous permet pas de savoir si la construction de l'église a été achevée ou non.
Il est très difficile de restituer le voûtement originel de l'église. Cependant, quelques indices (existence de deux déambulatoires, arrachements visibles au sommet des élévations conservées) permettent de penser que l'église devait être voûtée sur le même principe que la rotonde de l'abbatiale Saint-Sauveur de Charroux.
Le cloître, vraisemblablement prévu dès l'origine, comme le laisse supposer l'absence de chapelle latérale au Sud, est venu se greffer sur l'église dans le courant du XIIe siècle. il semble qu'à ce moment, les constructeurs, qui avaient fait preuve d'ambition pour l'église, soient devenus plus modestes: les dimensions du cloître tranchent singulièrement par rapport à celles de l'église. La galerie du cloître, suggérée par l'arrachement de corbeaux et une corniche courant le long du bâtiment oriental, a entièrement disparu, mais son négatif dans le rocher permet de restituer sa largeur (2,50m) et celle de son muret (0,30m). Quelques éléments architectoniques romans remployés dans des sépultures des XIIe-XIVe siècles semblent indiquer que le cloître roman a été détruit dans le courant du Moyen Age. Les bâtiments est et sud ont fait l'objet de plusieurs remaniements, notamment à la période gothique puis à une époque récente.
Deux espaces funéraires distincts ont été repérés. Le premier est situé dans le cloître. La morphologie des sépultures permet de dater cet ensemble de la seconde moitié du Moyen Age, entre le XIIe et le XIVe siècle. Le second espace funéraire est postérieur à la destruction de l'espace central de l'église, certaines sépultures ont même été installées dans ses fondations. Il est à mettre en relation avec le rôle paroissial de l'église.
Le prieuré de Trizay constitue l'un des ensembles les plus originaux de l'art roman saintongeais. Il mériterait à ce titre la publication d'une étude monographique qu'il était impossible de réaliser jusqu'à ce jour.
Une connaissance complète des états romans du prieuré nécessiterait toutefois quelques recherches complémentaires:
Il reste à espérer que la mise en valeur du site sera l'occasion de matérialiser au sol les structures reconnues à l'occasion de cette campagne de fouille.
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